Yverdon, le 14 février 1804.
La Municipalité d’Yverdon
A Monsieur Pestalozzi, à Berthoud.
Monsieur
Ayant
appris qu’il seroit possible que vous prissiez la résolution de quitter
Berthoud, et de venir vous habituer au pays de Vaud ; nous saisissons avec
empressement cette circonstance pour vous annoncer Monsieur que nous serions
enchantés si notre ville pouvoit devenir le séjour d’un citoyen de votre
mérite ; et nous ferions tout ce qui dépendroit de nous pour vous en
faciliter les convenances. Il existe dans cette place quelques batiments
publics, assez vastes pour y former votre établissement, entr’autres le
château pour lequel nous entamons actuellement des négociations avec le
Gouvernement, et qu’on pourroit aisément disposer selon vos désirs, attendu
les grands corridors qui y existent. Vous rencontreriez d’ailleurs ici
plusieurs avantages résultant de la localité ; un site agréable, environné
de promenades ; un air salubre ; des eaux propres aux bains, soit d’une
source minérale, soit celles du lac qui borde la ville, et dont l’insensible
profondeur dans les rivages, ne permet aucune inquiétude vis-à-vis de la
jeunesse. Toute espèce de denrées en suffisance, et à des prix moins élevés
qu’en aucune autre place du canton, vu que nous ne nous trouvons précisément
pas sur une grande route. Notre situation topographique seroit encore
avantageuse pour le repeuplement de votre institut par le voisinage du Comté
de Neuchâtel, où en général l’éducation de la jeunesse est bien soignée et
les moyens recherchés : notre canton entier vous fourniroit des sujets ; la
partie de la Suisse allemande vous y suivroit volontiers, par la facilité
que les jeunes gens auroient d’apprendre en même tems la langue française.
Il existe d’ailleurs ici une église allemande où ces derniers pourroient
s’instruire dans les devoirs de la religion. Enfin Monsieur, vous trouveriez
un peuple, qui, jaloux de vous posséder, s’empresseroit d’aller au devant de
tout ce qui pourroit vous rendre le séjour d’Yverdon agréable, et nous
serions les premiers à lui en donner l’exemple. Mais comme il est possible
que vous ne connoissiez notre localité, que par la description que nous
venons d’en faire ; nous serions charmés que vous voulussiez commettre
quelqu’un digne de votre confiance, pour venir s’assurer de l’état des
choses par ses propres yeux.
Veuillez
Monsieur nous favoriser d’une réponse, et agréer l’expression de la
considération la plus distinguée.
Louis Doxat
de Champvent Par la
Municipalité
Syndic du Conseil
municipal Flaction
De la ville d’Yverdon
Greffier |
|